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Finale du Concours d’éloquence

Ce mercredi 7 février 2023 s’est déroulée la finale de la troisième édition du concours d’éloquence Orphée du lycée Sainte-Marie d’Antony organisée par quatre élèves de Terminales. Au cours de ce concours se sont affrontés les élèves, lors de trois phases éliminatoires, qui portaient chacune sur une épreuve orale, un rapide entretien oral et une joute verbale et pour la finale, un discours en salle Chénier devant leurs camarades et leurs familles. Les participants se sont ainsi dépassés et ont, nous l’espérons, pu progresser durant cette aventure.

Mme Lilou JACQUES (en Terminale) a remporté le 1er prix. Voici son texte :

Sujet : « Tous les hommes dépendent les uns des autres. La solidarité humaine est la condition nécessaire à l’épanouissement de tout individu. » Erich Fromm

Mesdames et Messieurs, Membres du Jury,

Bonjour et bienvenue à bord du vol de la salle Chénier de ce 7 février 2023 pour un voyage tout en émotion vers une nouvelle destination : mon esprit.

Eh oui, ce n’est pas Miami que je vous propose aujourd’hui mais mes envies. Pas le beau temps mais mes tourments. Pas la chaleur mais toutes mes peurs.

Une armoire à souvenirs, une armoire à sourires, voilà de quoi mon esprit, j’aimerais le remplir. Mais comment être rassurée ? Quand le monde est si insensé ! Comme si tout le monde avait oublié le sens du mot solidarité.

Pourtant, Erich Fromm disait qu’être solidaire était nécessaire pour s’épanouir. Sauf que la réalité, moi, me fait frémir. Et penser à tous ces gens malheureux me fait bouillir.

Bouillir de colère, de stupeur, d’incompréhension, De mal-être, de peur, de déception,

De mystère, de malheur, d’affliction STOP Je commence à manquer d’air.

Non je ne tolère pas tout ça et vous ne le devriez pas non plus. Car aujourd’hui, moi l’espoir, je l’ai perdu.

Mais reprenons nous. Nous ne sommes pas là pour nous lamenter. Et rassurez-vous, je vais tacher de faire preuve d’un peu plus de gaieté. Car même si tout de suite, je vous l’accorde, ça ne se voit pas, en vrai, promis, je suis plutôt sympa.

Bon, la solidarité… (réaction) Voilà, c’était un peu ça ma réaction quand j’ai vu le sujet. A la fois concrète et abstraite, frivole et bénévole, admirée et tant manquée, non, ça n’est pas si simple d’écrire sur la solidarité.

Des pages blanches, ces dernières semaines, c’est ce à quoi ont ressemblé mes dimanches. Inspirée mais aussi très effrayée à l’idée d’écrire sur un tel sujet, les mots ne me venaient. Étant formatée cette année dans des exercices scolaires très calibrés, j’avais du mal à me libérer. Je suis plus à l’aise à chanter qu’à m’exprimer, alors j’ai imaginé que mon brouillon était une partition, que mon coeur était un accord majeur et mes erreurs des accords mineurs.

La solidarité, en voilà une belle qualité. Ce sentiment d’obligation morale à se tourner vers autrui, être celle ou celui sur qui se reposer quand l’avenir semble si gris. Faire que les autres dépendent de nous pour être aidé. La solidarité, en voilà une belle qualité.

A l’évidence, ce sont les plus précaires qui ont besoin de gens solidaires. Que feraient les enfants de Gaza sans l’aide humanitaire et les étudiants du supérieur sans les restos du cœur ?

Mais la solidarité, c’est plus largement un soutien, à ceux qu’on aime, ceux à qui l’on tient. Quelqu’un dans cette salle n’en a t il jamais bénéficié ? Il m’apparaît que chacun autant que nous sommes ici avons forcément eu besoin de se reposer sur des gens solidaires une fois dans notre vie.

Pour vous en convaincre, je vais vous demander de faire preuve d’un peu d’imagination, histoire que nos esprits nous accordions. Imaginez cette personne qui a tout réussi. Vous savez, celle pour qui nous ne pouvions nous empêcher de ressentir une pointe de dédain quand on voyait à quel point elle réussissait tout bien. Même la personne qui s’est le plus

« faite toute seule » comme dirait les américains, n’en a t elle jamais eu besoin ?

Albert Camus aurait-il écrit l’Etranger ou l’Homme révolté s’il n’avait pas rencontré, lorsqu’il n’était qu’un pauvre élève au lycée d’Alger, son mentor et professeur Jean Grenier. Si ce dernier n’avait pas cru en lui, l’avait poussé à poursuivre ses études de philosophie alors que sa naissance semblait le condamner à une misérable vie, mes cours de philo ne se seraient peut être résumés qu’au fameux « je pense donc je suis ».

Malala Yousafzaï aurait elle obtenu le prix Nobel de la paix, si d’autres femmes n’avaient pas pris part au combat qu’elle menait, celui pour l’éducation des filles, dans un pays où il leur est interdit de sourire, les empêchant alors de s’épanouir.

Tant d’exemples semblent nous prouver qu’Erich Fromm disait bien vrai. Bien sûr que la solidarité est nécessaire pour s’épanouir, tant elle permet à la fois de surmonter des épreuves et de redonner le sourire. Cependant, la solidarité n’est pas que recevoir, elle est aussi, et surtout, donner.

La solidarité n’attend rien en retour. Donner c’est donner, reprendre c’est voler comme l’on disait dans la cour d’école. Plus sérieusement, que serait un geste solidaire sans qu’il soit bénévole et la charité si elle était intéressée. Coluche n’a pas créé les restos du cœur pour qu’on rigole à ses blagues. Et johnny Hallyday n’attendait que l’on écoute plus ses disques en créant “La bonne étoile”.

Pour certains, la seule façon d’être heureux était de se tourner vers autrui, comme si c’était une thérapie. C’est le cas de mère Thérésa, qui croyait fermement que trouver le bonheur dans le service à autrui était la clé d’une belle vie, et la sienne a été le témoignage de cette philosophie.

Pour être tout à fait honnête, je ne veux pas réduire mon intervention devant vous à des bons sentiments. Car, en tant que jeune fille de 17 ans, il y a aussi des choses que je dénonce et que je défends. On dit souvent que la jeunesse d’aujourd’hui est engagée. Mes camarades et moi en ce jour ne faisons que vous le prouver.

Cette insouciance que nous avons perdue. Cette prise de conscience que très tôt nous avons eu, nous pousse à nous tourner vers les autres, à vouloir les aider, les réconforter, les

plaindre, les rejoindre, les sauver, les protéger, les faire fuir et les couvrir. Le problème est, et je suis bien peinée de devoir l’admettre, que cet engagement n’est pas toujours si épanouissant.

A l’échelle locale, peut-être que oui, notre altruisme est remarquable. Nos gestes sont concrets : donner une pièce à un sans abri, une viennoiserie en sortant de la boulangerie, des vieux vêtements pour de pauvres enfants. L’effet de notre action est immédiat : le sourire et le remerciement de celui pour qui, une goutte d’eau est devenue aussi grand qu’un océan. Oui, ces gestes solidaires, nous pouvons les observer. Pfff, nous voilà rassurés et enjoués.

Cette échelle de solidarité est, selon moi, une source d’épanouissement, car de ses bienfaits nous en sommes immédiatement connaissants. Mais arrêtons de ne regarder que le premier rang et concentrons-nous aussi sur le fond de la salle.

Accablée chaque jour par les informations, j’aimerais me lancer dans de multiples confrontation, être solidaire avec le plus grand nombre et retrouver l’espoir sous les décombres.

J’aimerais que les combats cessent à Gaza, J’aimerais que l’Ukraine reste souveraine,

J’aimerais que les violences conjugales finissent toutes au tribunal,

J’aimerais que les politiques prennent enfin conscience du dérèglement climatique, J’aimerais beaucoup de choses oui, mais le conditionnel ne peut me quitter et mon envie de solidarité ne se réduit qu’à de l’empathie.

Être spectatrice de son impuissance et des limites de son influence, ne peut être une source de jouissance, sinon de désespérance. Accepter que l’on ne peut pas tout changer, et que la solidarité a des limites auxquelles se confronter, peut nous pousser à abandonner. Dans ces conditions, l’égocentrisme peut nous gagner… Mais avant de laisser cette pensée s’installer, dans mon esprit que, je vous rappelle, je vous ai fait visité aujourd’hui, refoulons la, gardons la foi, et plus beau l’avenir sera.

Finalement, peu importe ce que l’on donne. Toute forme de solidarité est bonne à prendre et insatisfaction est bonne à rendre. Acceptons notre insuffisance. Au lieu de la voir comme une déception, faisons-en une motivation, pour continuer à aider autrui, et nous rendre tous épanouis.

Mesdames et Messieurs, il est désormais l’heure de reprendre l’avion, après ce voyage tout en émotion. Mais avant de finir ce discours, j’aimerais que l’on fasse encore un petit détour. En temps normal, pour terminer, j’aurais levé les yeux en l’air, pour voir le regard si fier de mes grands mères, puis j’aurais baissé mes yeux aguerris, vers vous mesdames et messieurs membres du jury, et enfin, je vous aurais dit merci. Mais parce qu’elles aiment autant m’écouter que m’entendre chanter, j’aimerais terminer si vous me le permettez, avec cette jolie mélodie.

(chanson )

Le ciel bleu sur nous peut s’effondrer, Et la Terre peut bien s’écrouler,

Peu m’importe, les problèmes, Tant qu’il y a, la solidarité.

Tant qu’l’amour innondera nos matins,

Tant que nos corps frémiront sous nos mains, Peu m’importe les problèmes,

Tant que nous, continuons à aider les autres.