Un esprit de famille
C’est un point plus difficile à cerner dans la pédagogie marianiste, car la plupart des personnes qui le connaissent, l’évoquent surtout quand il y a un problème, que cela s’échauffe, ou encore qu’elles ne se sentent pas reconnues à leur juste valeur. « Et bien, si c’est cela l’esprit de famille… »
Mais est-ce donc si différent au sein d’une vraie famille ? « Personne ne m’aime ! » « De toute façon on ne peut jamais discuter avec vous ! » « Tu n’es pas à l’hôtel ici » sont des expressions familières à toute famille qui a un adolescent sous son toit ! Et pourtant, il reste ces moments magiques où l’on sent que nous formons une vraie famille, où on exprime, même maladroitement, ses sentiments, où on se gêne pour faire un peu de place à l’autre, et finalement où on se pardonne, parce que l’autre vaut toujours mieux que le coup qu’il vient de me porter.
Le fondement de cet esprit de famille réside dans le caractère marial de la pédagogie marianiste, et plus largement de la spiritualité de cette Famille religieuse. Tout d’abord, chaque être humain est un enfant de Dieu, crée par lui, et pour qui il a un projet d’amour. Telle est notre foi chrétienne.
L’idée forte que va développer le bienheureux Guillaume Joseph Chaminade, le fondateur des religieux marianistes s’appuie sur le passage d’évangile suivant :
Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. (Evangile selon Saint Jean 19, 25-27)
Pour le père Chaminade, Marie reçoit non seulement un fils pour continuer à s’occuper d’elle, alors que meurt son fils unique, mais plus largement, elle reçoit l’Église naissante avec la mission de continuer à s’occuper « humainement » d’elle. Les Marianistes se mettent donc au service de Marie pour être ses bras pour continuer sa mission. L’aspect de famille devient très important. Certes, chaque personne est unique, mais elle est considérée comme membre d’une famille à construire chaque jour plutôt que comme un être isolé devant accomplir son destin.
Concrètement, cela va traduit, par exemple, par une dynamique de classes à thème ou de projets au sein d’une division, plutôt que par le projet personnel de chaque jeune. De même, tout adulte intervenant dans l’établissement est un éducateur : il doit faire une remarque à un jeune qui pose une action négative, ou un geste dangereux. Mais il doit aussi faire preuve de compassion, et d’écoute envers une personne en détresse ou simplement triste, et de se réjouir et de valoriser tout progrès ou toute évolution positive du jeune. Par réciprocité, il doit toujours se souvenir qu’il est regardé par les jeunes comme un modèle, une référence, ce qui demande à l’adulte, s’il a bien perçu les fondements de cette pédagogie, d’être conscient des actes qu’il pose et des attitudes qu’il adopte.
Alors que nous entrons, dès le retour des vacances d’hiver dans le temps de Carême, essayons de changer de lunettes, et au lieu de nous attarder sur les manquements à cet esprit de famille, qui sont réels, car humains, émerveillons-nous devant chaque sourire échangé, « bonjour » donné, ou acte de pardon qui sont indispensables à la bonne marche de la famille.
Fr. Bertrand sm
